P.-J. Proudhon et la spéculation boursière, 1856 - Bicentenaire

Publié le par DAN

En publiant ici quelques extraits du "Manuel du spéculateur à la bourse", oeuvre alimentaire que Proudhon décida plus tard de faire précéder d'une préface de ses idées sociales, je n'ai d'autre objectif, outre de rendre hommage au penseur, de rappeler la permanence des comportements sociaux et sans doute aussi des différences d'intérêts et d'activités qui caractérisent les classes sociales qui régulièrement s'opposent, se prenant l'une l'autre en otage,  pour parler le "liberalement correct".
J'ai fait l'impasse sur la longue liste des malversations de l'époque, nos "capitaines d'industries", plutôt nos "pirates" modernes, n'auraient pas à rougir de la comparaison.  

"... Est-ce une nation qui déchoit, une société qui s'en va, ou une civilisation supérieure qui commence ? Le lecteur en décidera. Ce qui est sûr au moins, c'est que la transformation , pour la liberté ou pour la servitude, pour la suprématie du travail ou la prépotence du privilège, je ne l'examine point, est partout à l'ordre du jour. Tel est le fait général, décisif, qui ressort en premier lieu de notre inventaire industriel.

Or, quel que soit le but où elles tendent, les Révolutions, et entre toutes celles qui ont pour objet la distribution et l'exploitation de la fortune publique , sont des occasions de triomphe pour l'improbité. On l'a vu à toutes les époques, mais jamais peut-être autant qu'à la nôtre, jamais surtout avec un tel accompagnement d'indifférence. ..."

 
Réformer
l'économie,


 

"... Au spectacle de quelques fortunes subites, inattaquables peut-être au point de vue d'une légalité incomplète, mais parfaitement illégitimes devant la conscience, et jugées telles, s'est ébranlée la multitude des âmes faibles, en qui la soif du bien-être avait marché plus vite que le sens moral.

Une conviction s'est formée dans le silence universel, sorte de profession de foi tacite, qui a remplacé pour les masses les anciens programmes politiques et sociaux :

« Que de toutes les sources de la fortune, le travail est la plus précaire et la plus pauvre;

« Qu'au-dessus du travail, il y a, d'abord le faisceau des forces productrices, fonds commun de l'exploitation nationale , dont le gouvernement est le dispensateur suprême ;

« Qu'ensuite vient la Spéculation, entendant par ce mot l'ensemble des moyens, non prévus par la loi ou insaisissables à la justice, de surprendre le bien d'autrui ;

« Que du reste, l'économie des sociétés n'est, d'après les définitions des auteurs en crédit, qu'un état d'anarchie industrielle et de guerre sociale, où les instruments de production servent d'armes de combat; où chaque propriété, privilège, monopole, tient lieu de place forte ; où le droit et le devoir sont indéterminés de leur nature, la justice exceptionnelle, le bien et le mal confondus, la vérité relative, tonte garantie illusoire; où les licences de la pratique, les contradictions de la théorie, le vague de la législation , l'arbitraire de l'autorité , viennent sans cesse déconcerter la raison et donner l'entorse à la morale; où chacun enfin combattant contre tous, soumis aux chances de la guerre, n'est tenu de respecter que la loi de la guerre. »


Aussi, tandis que la Sagesse constituée accuse le jeu, que la Scène le châtie , que la Bourse elle-même, ravie de se voir si bien chaperonnée, le dénonce : l'improbité règne dans les mœurs, la piraterie dans les affaires. Sous l'apparence de transactions régulières et libres, de réalisations facultatives , d'exercice légitime de la propriété , sévissent, sans nul empêchement, le charlatanisme, la corruption, l'infidélité, le chantage, l'escroquerie, la concussion, le vol.

Interrogez le premier venu : il vous dira qu'aucun gain, obtenu par les concessions de l'Etat, les combinaisons de la commandite, les négociations de la Bourse, les entreprises de commerce, le bail à cheptel ou à loyer, n'est pur de corruption, de violence, ou de fraude ; qu'il ne se fait pas aujourd'hui de fortunes sans reproche, et que sur cent individus enrichis, pris au hasard, il n'y en a pas quatre de foncièrement honnêtes.

C'est à cette mésestime, universelle, réciproque, qui semble devoir remplacer chez nous l'antique foi, qu'il faut attribuer les brigandages qui chaque jour frappent à l'improviste les Compagnies, et ne laissent plus la moindre sécurité à leurs actionnaires.

La logique, hélas! va toujours plus vite dans la dissolution que dans la vertu...."

 
Refonder
la morale.

"... Le boutiquier et le prolétaire voient en un jour leur loyer augmenté de moitié, de trois quarts, sans autre cause que le bon plaisir du maître de maison : et vous poursuivez .comme crime d'Etat la grève du travailleur, grève dont la cause première est le loyer ; vous signalez aux vengeances de la multitude l'épicier, le charcutier, le boulanger, le marchand de vin, falsificateur, accapareur !...

Ah ! sachez-le une fois : les faits et gestes de la Bourse ont fait table rase de l'honnêteté commerciale ; l'exagération arbitraire, insultante des loyers, la mobilité des tarifs, les fusions de Compagnies, les confiscations, expulsions, pour cause d'utilité publique, ont détruit le respect de la propriété, et, ce qui est pire, l'amour du travail dans les cœurs. Nous n'existons plus que par la police, par la force. ..."

 

"... On a parlé des crimes de la Terreur, des hontes du Directoire, de l'arbitraire de l'Empire, des corruptions de la Légitimité et de la Monarchie Bourgeoise. Comparez donc ces misères avec la dissolution d'une époque qui a pris pour Décalogue la Bourse et ses œuvres, pour philosophie la Bourse, pour politique la Bourse, pour morale la Bourse, pour patrie et pour Église la Bourse ! ..."

  (source : Google, Proudhon) xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx 

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