Jean et Philoména, quels espoirs pour la France ? L. de Goustine.

Publié le par DAN

Sur les "Cahiers Français" je traite principalement de la matière historique, des combats politiques passés pour essayer de donner à comprendre les leçons pour l'avenir.
Le mariage du duc de Vendôme est une belle occasion de conjuger l'histoire au présent et Luc de Goustine excelle dans cet exercice, je met donc cet article à la disposition de tous ceux, toutes celles, qui s'interrogent sur l'avenir d'une Monarchie constitutionnelle en France.

Bonne lecture, bonnes réflexions.

 

Jean, duc de Vendôme, épouse Philomena de Tornos y Steinhart ce samedi 2 mai à Senlis. En ce cadet d’Orléans, quarante-trois ans, que l’empêchement physique de l’aîné François a placé en première ligne pour la succession d’Henri, comte de Paris, son père, reposent nos espérances. Que vienne le moment où ce seront celles de la France !

Le mariage de Jean a de quoi réjouir ceux qui savent la manière simple et naturelle dont se perpétue le service royal : une vie de famille, insérée dans l’histoire d’une ou plusieurs nations. Mieux que jamais s’applique le plusieurs à cette alliance, où un descendant des Bourbons-Orléans, avec leurs ramifications européennes, s’unit à une jeune fille d’ascendance hispanique - le grand-père Juan fut longtemps à Estoril responsable du secrétariat du comte de Barcelone en exil - tandis que du côté maternel autrichien, fleurit tout un bouquet de nobles en terres d’Empire dont certain, diplomate de la Divine Porte, se titrait Mourad Effendi. (1)

L’évènement public se présente sous un jour symbolique éloquent. Jean et Philomena ont échangé leur consentement en mairie du VIIe arrondissement de Paris dont le maire, Rachida Dati, compara, non sans humour, sa qualité de garde des Sceaux place Vendôme, à l’apanage du marié, puis avec une certaine élégance républicaine reconnut en la tradition capétienne millénaire le patrimoine commun à tous les Français, raccrocha sa dimension européenne aux prochaines élections où elle se présente, avant de féliciter les futurs époux pour leurs engagements, leur ouverture aux autres, et en particulier : « Monseigneur, vous parcourez le monde… pour la défense et la promotion du patrimoine artistique et culturel français, la protection de l’environnement dans ses dimensions matérielles, humaines et spirituelles, le développement de la francophonie et la promotion d’une économie plus humaine. »

Quant à la solennelle bénédiction nuptiale, le couple la reçoit en la cathédrale Notre-Dame de Senlis, ville où Hugues Capet, fondateur de la dynastie, fut élu roi des Francs en 987. Ce rappel aux sources eût pu se compléter pour un large public - s’il eût été convié à la réception privée qui suit au château de Chantilly - du fait que cet ancien domaine de la maison d’Orléans, enrichi des somptueuses collections du duc d’Aumale, fut offert par celui-ci à la nation et confié à la garde de l’Institut de France.

 

Les symboles sont ainsi disposés de telle sorte que nul ne peut ignorer la dimension qu’ils occupent dans les actes présents : au-delà de Jean et de Philomena, l’Histoire ­ une histoire parallèle, sans doute, encore latente - pose ses jalons en vue de développements qui les dépassent tous deux et nous dépassent. Nul ne peut préjuger qu’ils s’accompliront, mais ces développements entrent dans la perspective de leur existence commune, et, tant qu’ils ne renoncent pas à l’héritage, les accompagneront. C’est la part, pour ainsi dire passive, implicite ou reçue, de la mission royale : être prince n’est honneur que parce que sa gloire est une charge. Voudront-ils la porter ? En auront-ils l’occasion ? La première question reçoit aujourd’hui la réponse ambiguë que l’on devine : le privilège d’être né et de se voir offrir une place au festin clinquant des riches et des importants peut frôler le déshonneur, y tomber. À cela, le prince Jean apporte une réponse ciselée dans le marbre de sa conscience : « Je pense en prince chrétien, j’agis en prince français ». On ne peut donc lui faire grief de se dérober aux déchirements même de sa fonction de prince en attente : il en mesure le double aspect et lui accorde un double respect que personne ne peut interdire.

Maintenant, s’ouvre l’énigme du moment de la rencontre avec l’action, l’engagement, voire le pouvoir. Ce moment se prépare. La Providence répond au labeur, n’apparaît comme hasard gratuit, miraculeuse surprise, qu’après coup. Une vocation à la responsabilité publique est un leitmotiv, une obsession, un art dévorant pour celui qui l’exerce : on ne vient le chercher dans son désert que parce qu’il est secrètement passé maître.

Jean IV est-il un prétendant de cette trempe ? Veut-il à ce point porter la charge, traîner le fardeau, est-il dès maintenant averti du poids qui pèse sur ses concitoyens, ceux qui manient le pouvoir et ceux qui le subissent ? Partage-t-il leurs découragements, leurs espoirs, jusqu’à leur révolte ? Est-il prêt à repartir de zéro chaque jour tout en ayant les plus vastes vues sur l’avenir, le goût du salut ? Mystère. Nous l’aurions désiré jusqu’ici plus proche de la pratique, du coude à coude avec les plus populaires du peuple comme avec les hommes d’État - parmi eux, d’héroïques monarques de notre temps - qui auraient pu lui partager des bribes de destin d’où faire son miel. Avions-nous tort ? Les temps qui viennent menacent de le heurter brutalement et réveiller en lui un sentiment d’urgence. Le peuple en état de manque, des peuples en état de siège, et le théâtre d’ombre de bandits, passant de l’extrême ridicule à l’abominable… Un grand carnaval de misère, corruption, oppression, prépare ses confettis, ses chars, ses masques… Que lui opposera le prince chrétien en son cœur ? Que ripostera publiquement le prince français ? Sera-t-il l’étendard de résistance et de résurrection sous lequel servir ?

Tous nos vœux, Madame, Monseigneur !

Luc de GOUSTINE

(1) Franz Xaver Karl Georg Arthur von Werner, alias Mourad Effendi (* Vienne 30-05-1836, † The Hague le 12-9-1881), écrivain, diplomate turc, m. 1867.

   

Publié dans Maison de France

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