A propos de la constitution monarchique d'A. Barnave (1791).

Publié le par DAN

 

Est il toujours besoin de réécrire ce qu'il l'a déjà été si admirablement et en des circonstances historiques autrement éminentes, ce n'est pas mon choix.
Le discours du citoyen Barnave à l'Assemblée Nationale éclaire les points substantiels d'une constitution monarchique, la stabilité incarnée par la Famille royale, la liberté par la séparation des pouvoirs entre l'executif et le législatif, la responsabilité enfin en prévoyant les cas et procédures de déchéance de l'autorité du roi.
La conclusion encore est prophétique, la proclamation ultérieure de la République allait ouvrir la voie à toutes les aventures (Napoléon aussi bien que Pétain) sans même évoquer l'instabilité des institutions au gré des passions changeantes, ne sommes nous pas dans un avorton de VI° République ?

 
Extraits du "Discours sur l'inviolabilité de la personne du roi".
A. BARNAVE -1791-
 

INTRODUCTION (ndr)

"... je vais brièvement examiner la loi. Je vais prouver que la Constitution veut la conclusion que vos comités proposent ; mais je dirai plus, je dirai qu'il est utile dans les circonstances, qu'il est bon pour la Révolution que la Constitution la commande ainsi. 

Je ne parlerai point avec étendue de la nature et de l'avantage du gouvernement monarchique ; vous l'avez plusieurs fois examiné, et vous avez montré votre conviction en l'établissant dans votre pays.
Je dirai seulement : toute Constitution, pour être bonne, doit porter sur ces deux principes, doit présenter au peuple ces deux avantages : liberté, stabilité dans le gouvernement qui la lui assure. Tout gouvernement, pour rendre le peuple heureux, doit le rendre libre. Tout gouvernement, pour être bon, doit renfermer en lui les principes de sa stabilité ; car autrement, au lieu du bonheur, il ne présenterait que la perspective d'une suite de changements. Or, s'il est vrai que ces deux principes n'existent, pour une grande Nation, comme la nôtre, que dans le gouvernement monarchique, s'il est vrai que la base du gouvernement monarchique et celle de ces deux grands avantages qu'il nous présente est essentiellement dans l'inviolabilité du pouvoir exécutif, il est vrai de dire que cette maxime est essentielle au bonheur, à la liberté de la France."

 

STABILITE & UNITE (ndr)

"..., s'il est vrai qu'il s'y trouve une multitude d'hommes exclusivement occupés à ces spéculations de l'esprit qui exercent l'imagination, qui portent à l'ambition et à l'amour de la gloire ; s'il est vrai qu'autour de nous des voisins puissants nous obligent à ne faire qu'une seule masse pour leur résister avec avantage ; s'il est vrai que toutes ces circonstances sont positives et ne dépendent pas de nous, il est incontestable que le remède n'en peut exister que dans le gouvernement monarchique.
Quand le pays est peuplé et étendu, il n'existe, et l'art de la politique n'a trouvé que deux moyens de lui donner une existence solide et permanente :
ou bien vous organiserez séparément les parties, vous mettrez dans chaque section une portion de gouvernement, et vous fixerez ainsi la stabilité aux dépens de l'unité, de la puissance et de tous les avantages qui résultent d'une grande et homogène association.
Ou bien si vous laissez subsister l'union nationale, vous serez obligé de placer au centre une puissance immuable, qui, n'étant jamais renouvelée que par la loi, présentant sans cesse des obstacles à l'ambition, résiste avec avantage aux secousses, aux rivalités, aux vibrations rapides d'une population immense agitée par toutes les passions qu'enfante une vieille société
."
  

 

LIBERTE & SEPARATION des POUVOIRS (ndr)

"La liberté trouve son origine dans les mêmes principes. On vous a hier développé d'une manière savante, et qu'il est utile de mettre sous vos yeux, cette indépendance des deux pouvoirs, qui est la première base du gouvernement représentatif et monarchique. Là le peuple, qui ne peut lui-même faire ses lois, qui ne peut lui-même exercer ses pouvoirs, les mettant entre les mains de ses représentants, se dépouille ainsi passagèrement de l'exercice de sa souveraineté, et s'oblige à le diviser entre eux; car il ne conserve sa souveraineté qu'en en divisant l'exercice entre ses délégués ; et s'il était possible qu'il la remît tout entière dans un individu ou dans un corps, dès lors il s'ensuivrait que son pouvoir serait aliéné. Tel est donc le principe du gouvernement représentatif et monarchique ; les deux pouvoirs réunis se servent mutuellement de complément, et se servent aussi de limite ; non seulement il faut que l'on fasse les lois, et que l'autre les exécute. Celui qui exécute doit avoir un moyen d'opposer son frein à celui qui fait la loi, et celui qui fait la loi doit avoir un moyen de soumettre l'exécution à sa responsabilité ; c'est ainsi que le roi a le droit de refuser la loi ou de la suspendre, en opposant sa puissance à la rapidité, aux entreprises du Corps législatif ; c'est ainsi que le pouvoir législatif, en poursuivant les écarts de la puissance exécutrice contre les agents nommés par le roi, leur fait rendre compte de leur gestion, et prévient les abus qui pourraient naître de leur impunité.

 

De cette combinaison savante de votre gouvernement, il est résulté une conséquence : ce pouvoir dispensé au roi de limiter le pouvoir législatif, devant nécessairement le rendre indépendant, devant par conséquent le rendre inviolable, il a fallu quand la loi mettait en lui non seulement la sanction, mais aussi l'exécution, il a fallu en séparer de fait cette dernière partie, parce qu'elle est par sa nature nécessairement soumise à sa responsabilité.

 

Ainsi vous avez laissé au roi inviolable cette exclusive fonction, de donner la sanction et de nommer les agents : mais vous avez obligé, par la Constitution, les agents nommés par le roi, à remplir pour lui les fonctions exécutives, parce que ces fonctions nécessitent la critique et la censure, et que le roi devant être indépendant pour la sanction, devant être par conséquent personnellement inattaquable, devenait incapable de les remplir. Vous avez donc toujours agi dans les principes d'indépendance des deux pouvoirs : vous avez donc toujours agi dans la considération de cette nécessité indispensable de leur donner mutuellement les moyens de se contenir. J'ai dit que la stabilité et la liberté étaient le double caractère de tout bon gouvernement ; l'un et l'autre exigent impérieusement l'inviolabilité. S'il est vrai que pour être indépendant, le roi doit être inviolable, il n'est pas moins vrai qu'il doit l'être pour la stabilité, puisque c'est cette maxime qui, le mettant à couvert de tous les efforts des factieux, le maintient à sa place, et maintient avec lui le gouvernement dont il est le chef."  

 

RESPONSABILITE (ndr)

"La responsabilité doit se diviser en deux branches, parce qu'il existe pour le roi deux genres de délit ; le roi peut commettre des délits civils, le roi peut commettre des délits politiques : quant au délit civil (j'observe que cela est hors du cas que nous traitons maintenant) ; quant au délit civil il n'existe aucune espèce de proportion entre l'avantage qui résulte pour le peuple, de sa tranquillité conservée, de la forme de gouvernement maintenue, et l'avantage qui pourrait résulter de la punition d'une faute de cette nature. Que doit alors le gouvernement au maintien de l'ordre et de la morale ? Il doit seulement prévenir que le roi qui a fait un délit grave ne puisse le répéter ;
...
 

Quant au délit politique, il est d'une autre nature ; et je remarquerai seulement ici que nos adversaires se sont étrangement mépris sur ce point, car ils ont dit que c'était sur l'exercice du pouvoir exécutif que portait l'inviolabilité. Il est parfaitement vrai que c'est sur cette seule fonction qu'il n'y a pas d'inviolabilité ; il ne peut pas exister d'inviolabilité sur les fonctions du pouvoir exécutif, et c'est pour cela que la Constitution rendant le roi inviolable l'a absolument privé de l'exercice immédiat de cette partie de son pouvoir ; le roi ne peut pas exécuter, aucun ordre exécutif ne peut émaner de lui seul ; le contreseing est nécessaire ; tout acte exécutif qui ne porte que son nom est nul, sans force, sans énergie ;tout homme qui l'exécute est coupable ; par ce seul fait, la responsabilité existe contre les seuls agents du pouvoir ; ce n'est donc pas là qu'il faut chercher l'inviolabilité relativement aux délits politiques ; car le roi, ne pouvant agir en cette partie, ne peut pas délinquer.

 

La véritable inviolabilité du délit politique est celle qui porte sur des faits étrangers à ses fonctions exécutives et constitutives. Cette inviolabilité-là n'a qu'un terme : c'est la déchéance. Le roi ne peut cesser d'être inviolable qu'en cessant d'être roi ; la Constitution doit prévoir les cas où le pouvoir exécutif devient incapable et indigne de gouverner : la Constitution doit prévoir les cas de déchéance, doit clairement les caractériser ; car s'il n'en était pas ainsi, le roi essentiellement indépendant deviendrait dépendant de celui qui jugerait la déchéance." 

 

CONCLUSIONS (ndr)

Ceux qui veulent ainsi sacrifier la Constitution à leur ressentiment pour un homme me paraissent trop sujets à sacrifier la liberté par enthousiasme pour un autre ; et puisqu'ils aiment la République, c'est bien aujourd'hui le moment de leur dire : comment voulez-vous une République dans une Nation où vous flattez que l'acte d'un individu qui, quoiqu'on juge en lui certaines qualités, avait eu longtemps l'affection du peuple ; quand vous vous êtes flattés, dis-je, que l'acte qu'il a commis pourrait changer notre gouvernement, comment n'avez-vous pas craint que cette même mobilité du peuple ému par l'enthousiasme envers un grand homme, par la reconnaissance des grandes actions (car la Nation française, vous le savez, sait bien mieux aimer qu'elle ne sait haïr) (Applaudissements répétés) ne renversât en un jour votre absurde République ; comment, leur dirai-je, vous avez en ce moment fondé tant d'espérances sur la mobilité de ce peuple, et vous n'avez pas senti que, si votre système pouvait réussir, dans cette même mobilité était le principe de sa destruction ; que bientôt le peuple agité dans un autre sens aurait établi à la place de la monarchie constitutionnelle que vous aurez détruite, la plus terrible tyrannie, celle qui est établie contre la loi, créée par l'aveuglement ? (Applaudissements)

 

(L'intégralité du discours est disponible sur le site de l'Assemblée Nationale, dans cet extrait j'ai écarté les éléments factuels.)

LIRE AUSSI

Sur la Constitution et la Révolution, P-V. Malouet (1791).

 Menu "La Constitution de 1791" (extraits).

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