Les constitutions de la France comparées à la Charte de 1830 (V).

Publié le par DAN

 
 
 

LA CHAMBRE DES DEPUTES. 

  LA CHARTE CONSTITUTIONNELLE (V).
 

Rigoureusement il faudrait lire : de la chambre des députés des départements ; mais ces derniers mots ayant été rayés de l'article 14, on a pu se croire autorisé à les effacer partout ailleurs. Les députés sont en effet représentants de la nation entière plutôt que du département qui les a élus (Constit. de 1791, tit. m, ch. i , sect. 3, art. 7 ; Constit. de l'an in, art. 5a ), en ce sens qu'ils doivent avant toutes choses avoir devant les yeux les intérêts généraux du pays, etles faire constamment prévaloir sur ceux de la localité qui les a envoyés à la chambre. Il n'en est pas moins vrai que lorsque ces grands intérêts seront hors de la discussion, ils pourront défendre ceux de la portion du peuple qu'ils sont plus spécialement chargés de représenter.
Ce n'est pas seulement l'impossibilité de réunir plusieurs millions de citoyens dans un même lieu qui a forcé de disséminer les colléges électoraux sur toute l'étendue du territoire ; c'est aussi la nécessité de donner des interprètes à tous les besoins, à toutes les opinions qui sont inévitablement diversifiées à l'infini sur un sol aussi vaste que celui de la France. . 

 

Deux propositions sont à remarquer dans cet article: 
- Premièrement les députés sont nommés par les colléges électoraux : cela paraît d'abord tout simple, car il est incompréhensible que des députés ne soient pas élus par ceux qui les députent. Cependant l'histoire du régime impérial prouve que le fait est possible.
(...)
- Secondement, le législateur seul doit déterminer Vorganisation des collèges électoraux: l'organisation, c'est-à-dire la composition, la formation.
...

Le mode qui consiste à faire désigner les électeurs chargés de nommer les députés par d'autres électeurs qu'on peut appeler électeurs primaires, constitue l'élection par le double degré. Elle a cet avantage qu'elle permet d'appeler aussitôt qu'on voudra la généralité des citoyens à participer au pouvoir législatif : tous ont à peu près la capacité de choisir des électeurs ; on peut contester à un grand nombre celle de choisir des législateurs; d'ailleurs, il est facile de les fractionner en assemblées peu nombreuses quand il s'agit de faire cent mille choix environ ; et la chose n'est guère possible lorsqu'il est question de nommer cinq cents députés. On peut objecter que c'est rendre l'influence de l'universalité des citoyens, sur l'élec- tion définitive, bien indirecte. Les députés ne se considéreront comme liés qu'envers leurs commettans immédiats ; or le choix des électeurs du second degré sera souvent tout autre que ne l'auraient voulu les électeurs du premier, ce qui inspirera à ceux-ci une profonde indifférence pour l'exercice de leurs droits. Aussi ne pourra-t-on se refuser à établir l'élection directe et immédiate partout où la niasse des citoyens sera parvenue à un certain degré de lumières.

 

 Je crois donc qu'il n'y a pas lieu de s'arrêter à la position sociale d'un homme , pour savoir s'il doit figurer ou non sur les listes électorales. — Faut-il au moins s'enquérir de sa capacité? Un électeur, je l'ai déjà dit, n'est pas un magistrat : c'est un citoyen auquel on demande son avis sur la marche générale des affaires, sur la répartition et la quotité des impôts, sur les réformes à faire à la législation; mais ce n'est pas une opinion positive, détaillée qu'on lui demande ; il n'est pas tenu d'indiquer les moyens de réforme; il suffit qu'il manifeste son sentiment ou sa désapprobation; et comme cette manifestation s'opère par le choix d'un député, la capacité indispensable dans un électeur se réduit en définitive à apprécier s'il se trouve bien on mal, et si tel candidat mérite mieux sa confiance que tel autre. Assurément il n'est pas besoin pour cela de connaissances profondes en mathématiques ou en jurisprudence ; cependant il faut bien que l'électeur puisse s'assurer des principes des candidats, en lisant leur profession de foi, ou la provoquer en leur écrivant; qu'il soit à même d'apprécier la fidélité de l'élu dans ses promesses, par la lecture des débats des chambres : ce n'est donc pas être trop exigeant que de demander qu'il sache lire et écrire. Bien entendu que le législateur, en adoptant une restriction semblable, doit procurer à tous les citoyens l'instruction primaire gratuite , afin que personne ne puisse se plaindre d'une condition qu'on le met à portée d'acquérir. Le moyen de s'assurer qu'il y a été satisfait est fort simple : il consiste à supprimer la faculté de faire écrire son suffrage par autrui;

  DES MINISTRES
 

Le ministère est en quelque sorte la responsabilité du pouvoir exécutif personnifiée. Ainsi toutes les attributions de ce pouvoir sont aussi les siennes : seulement elles peuvent être diversement réparties entre les ministres; il est vrai qu'à la rigueur un seul suffirait ; mais, en supposant qu'il y ait un homme assez audacieux pour assumer toute la responsabilité de l'administration d'un pays aussi vaste que la France, il est prudent de diviser un pareil fardeau sur plusieurs têtes; la Charte dit partout, les ministres et non le ministre. Sous la constitution de 1791 , qui avait laissé au roi la faculté de nommer et de révoquer librement les ministres, on avait néanmoins jugé convenable de déterminer par une loi leur nombre et la nature de leurs fonctions. Ainsi la loi du 25 mai 1791 décida qu'il y en aurait six, savoir : le ministre de la justice, le ministre de l'intérieur, le ministre des contributions et revenus publics, le ministre de la guerre, le ministre de la marine et celui des affaires étrangères. Leurs attributions furent réglées dans le plus grand détail. . 

 

 Le 6 novembre 1789, Mirabeau fit, dans l'assemblée constituante, une motion expresse pour donner aux ministres voix consultative. Voici les principaux argumens qu'on fit valoir en faveur de cette mesure. Le pouvoir exécutif s'occupe nécessairement des mêmes objets que le pouvoir législatif; toute la différence consiste en ce que l'un veut et que l'autre agit. Mais les faits qui constituent l'expérience du gouvernement se réunissent d'abord entre les mains des agens du pouvoir exécutif. L'habitude des affaires et la connaissance des difficultés lui fournissent une foule de lumières indispensables au législateur qui veut suivre une marche uniforme et adaptée aux circonstances. Il arrivera souvent qu'un député proposera un changement dans la branche de l'administration qui lui est connue sans s'inquiéter des rapports qu'elle a avec les branches qu'il ignore. Une assemblée législative a donc besoin sans cesse de consulter les ministres : pour cela il faut absolument qu'elle leur ouvre ses portes. 
(...)
Autrement à côté de l'obligation si impérativement formulée pour les chambres d'entendre les ministres quand ils le demandent, il fallait écrire le devoir pour les ministres de répondre aux interpellations que les chambres jugeraient convenable de leur adresser, et de communiquer tous \esrense\gae- mens que la nature de leurs fonctions met entre \eurs mains. Dans l'état actuel de la législation constitutionnelle, ils peuvent, toutes les fois qu'ils reçoivent de semblables réclamations, se retrancher derrière la prérogative royale, et garder un silence obstiné , à moins que la faiblesse de leur majorité dans l'une des deux chambres, ne leur commande des ménagemens particuliers à leur égard. Toutefois, depuis la révolution de 183o, on a introduit dans la chambre des députés l'usage d'adresser aux ministres des interpellations sur divers sujets , avec la précaution de les avertir quelques jours d'avance. Cette innovation , qui n'a encore que l'autorité d'un précèànt, est due à M. Mauguin.

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  Source Google : "Commentaire sur la Charte constitutionnelle" 1836

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