MIRABEAU & la démocratie en Amérique (1784).

Publié le par DAN

 

   
 

Considérations sur l'ordre de Cincinnatus

 

La publication d'extraits de l'oeuvre de Mirabeau ne résulte pas d'un soucis historique, le texte porte une critique des tentations à créer de nouvelles aristocraties au sein des sociétés démocratiques et à y regarder de près, de nos jours, l'oligarchie politique pourrait preter à cette critique.

Les libertés sont choses fragiles aussi nous faut il les mériter, ardemment.

            INTRODUCTION.

"Une société composée des Généraux & des officiers supérieurs et inférieurs de l'Armée & de la Marine des Etats-Unis de l'Amérique, s'est établie dans toutes les Provinces .. sous le nom de Société des Cincinnati, .. Chaque jour apporte des forces imposantes à cette Association héréditaire, perpétuelle et richement dotée, qui compte parmi ses membres ce que l'Amérique a de plus distingué, et nommément l'illustre Washington. ..

           I. - CONSIDERATIONS.

"C'est à la fin du dix-huitième siècle, au moment ou l'Amérique samblait ouvrir un asile à l'espèce humaine, .., que la Société des Cincinnati s'établit ...; sans que le Congrès qui représente la Confédération Américaine, sans qu'aucun des Etats-unis, sans qu'aucun Corps dans ces Etats, y forme la plus légère opposition; sans qu'aucun particulier ose adresser à ses concitoyens la moindre observation sur cet ordre, d'un genre absolument nouveau, qui doit infailliblement et bientôt changer la face du pays qui l'a vu naître.

".. je ne pourrais pas m'empêcher de sourire en voyant ces Américains, qui dans leurs Assemblées générales & particulières, déclament avec aigreur contre les petits maux, s'acharnent sur les faibles restes d'un parti qui n'a plus d'importance, chassent les Tories, laisser introduire chez eux, sans même y regarder, un établissement qui doit avant peu miner la chose publique, la Liberté, la Patrie; ravir aux classes moyennes et inférieures toute influence, toute considération; les vouer au mépris le moins déguisé; .. et tout au plus au triste privilège de murmurer quand il ne sera plus temps de remédier au mal ... bizarre imprévoyance d'un multitude inconsidérée.
 

 

"La noblesse moderne de l'Europe, qu'était-elle à son origine ? Des chefs de guerriers féroces qui joignaient la barbarie de la victoire à celle des moeurs, dont les premiers titres furent l'usurpation et le brigandage, et qui ne fondèrent leur prééminence au-dessus de leur nation que sur le droit de commander qu'ils exerçaient dans les combats. Ainsi les champs de bataille furent le berceau de cette noblesse; rapport singulier, frappant, redoutable, avec l'odre de Cincinnati !

".. Tel est le fatal pouvoir de l'opinion, et des petites passions humaines, que les marques les plus frivoles ont contribué à resserer les chaînes des peuples, ont ennobli et payé la servitudes des puissants, pour appesantir encore la servitude du pauvre : que la couleur même d'un ruban, la forme d'un cordon unfluent sur le caractère et les dispositions des esprits, inspirent aux uns plus de respect et de bassesse, aux autres plus d'orgeuil .. et semblent rendre visible à l'oeil cette inégalité factice que l'usurpation et l'insolence ont commencé d'abord par graver dans l'imagination du faible et de l'esclave. ...

"Une fierté invincible; un courage indomptable; une liberté de principes et de pensées qui ne se soumettent qu'à la raison seule, et qui repousse tout autre empire; une indépendance qui ne cède ni aux plaisirs ni aux peines de l'opinion .. telle est l'ame d'un Républicain. Mourir plutôt que changer, telle est sa devise. Il doit jurer à la nature, à la patrie, à lui-même, de rester sans avenir dans un présent fâcheux, plutôt que de ramper un moment; ... "

 

 

(Source : Gallica.bnf)

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