B. Constant, réflexions sur la constitution monarchiste (1814).

Publié le par DAN

   

  "Je n'ai point cherché l'originalité : je ne me suis, sur beaucoup de points, écarté en rien de la Constitution anglaise; j'ai plutôt expliqué pourquoi ce qui existait en Angleterre était bon, que je n'ai proposé quelque chose de nouveau. ... mais je crois que mon ouvrage a un avantage : il démontre que la liberté peut exister pleine et entière sous une monarchie constitutionnelle.

Dans un état républicain, il faut donner au peuple toute la part au Gouvernement, qui est compatible avec l'ordre, et revêtir cet exercice des droits du peuple de formes populaires, fussent-elles orageuses; car, dans un Gouvernement républicain, la raison du peuple est la garantie de l'ordre, et la raison du peuple doit se former et se mûrir par l'action.
Sous une monarchie, le Roi doit posséder toute la puissance qui est compatible avec la liberté, et cette puissance doit être revêtue de formes imposantes et majestueuses; car, dans une monarchie, la sécurité du monarque est l'une des garanties de la liberté, et cette sécurité ne peut naître que de la conscience d'une force suffisante.
Les magistrats d'une république s'honorent en honorant dans le peuple la source de leur autorité ; les citoyens d'une monarchie s'honorent en honorant dans le Roi le protecteur national.
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La faiblesse d'une partie quelconque du Gouvernement est toujours un mal. .Cette faiblesse ne diminue en rien les inconvéniens que l'on craint, et détruit les avantages que l'on espère : elle ne met point d'obstacles à l'usurpation; mais elle ébranle la garantie, parce que l'usurpation est l'effet des moyens que le Gouvernement envahit, la. garantie celui de ses moyens légitimes. Or, en rendant le Gouvernement trop faible, vous le réduisez à envahir; ne pouvant atteindre son but nécessaire, avec les forces qui lui appartiennent, il aura recours pour l'atteindre à des forces qu'il usurpera ; et de cette usurpation , pour ainsi dire, obligée, à l'usurpation spontanée, à l'usurpation sans limite, il n'y a qu'un pas.
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Une constitution n'est point un acte d'hostilité. C'est un acte d'union, qui fixe les relations réciproques du monarque et du peuple, et leur indique les moyens de se soutenir, de s'appuyer, de se seconder mutuellement. Pour qu'ils se soutiennent et s'appuyent , il faut déterminer la sphère des divers pouvoirs , et en marquant leur place et leur action l'un sur l'autre, les préserver des chocs inattendus et des luttes involontaires. Plus l'attachement est sincère pour celui qui guide le char de l'État, plus nous devons aimer qu'on mette des barrières autour des précipices. La nuit peut venir, l'orage peut s'élever ; la route en sera plus sûre et mieux tracée.

Mais n'existait-il pas autrefois en France une constitution, maintenant oubliée, qui réunissait tous les avantages, et ne suffirait- il pas de la rétablir? Ceux qui l'affirment tombent dans une singulière méprise. Ils partent d'un principe vrai, c'est que les souvenirs, les habitudes, les traditions des peuples, doivent servir de base à leurs institutions. Mais, de leur aveu, l'on a oublié l'ancienne constitution de la France et non seulement ils en conviennent, mais ils en fournissent la preuve, car ils sont reduits à s'épuiser en raisonnements pour démontrer qu'elle a existé.
N'est-il pas manifeste qu'une constitution oubliée n'a pas laissé de souvenirs, et n'a pas fondé d'habitudes? Rien ne serait plus respectable, et plus nécessaire à ménager, qu'une vieille constitution dont on serait toujours souvenu, et que le temps aurait graduellement perfectionnée. Mais une constitution, oubliée tellement qu'il faut des recherches pour découvrir, et des arguments pour prouver son existence, une constitution qui est le sujet du dissentiment des publicistes, et des disputes des antiquaires, n'est qu'un objet d'érudition, qui aurait dans l'application pratique, tous les inconvénients de la nouveauté.



Si ces institutions ont disparu, c'est qu'elles n'étaient plus conformes à l'esprit national.
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La France sait que la liberté politique lui est aussi nécessaire que la liberté civile. Elle ne croit plus que pourvu, comme on le dit, qu'un peuple soit heureux, il est inutile qu'il soit libre politiquement. Elle sait que la liberté politique n'est autre chose que la Faculté d'être heureux, sans qu'aucune puissance humaine trouble arbitrairement ce bonheur. Si la liberté politique ne fait pas partie de nos jouisances immédiates, c'est elle qui les garantit. La déclarer inutile, c'est déclarer superflus les fondemens de l'édifice qu'on veut habiter.
La providence a voulu nous rendre les témoins de deux gloires immenses. L'une était de briser les fers de l'Europe, l'autre sera de donner la liberté à la France.
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Une gloire non moins belle reste à conquérir. Qu'elle soit le partage du monarque cjui réunit aux yeux des Français tout ce qui peut fonder les espérances et parler aux émotions intimes de l'âme, je veux dire, de grands souvenirs, l'habitude des lumières, la bonté, la sainteté d'un long malheur: et cette légitimité, garantie la plus sûre d'une stabilité paisible, cette légitimité, dent les peuples sont contraints de se passer quelquefois, mais dont la privation leur fait éprouver une douleur qui ressemble au remords.
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Le despotisme a quelque chose de bas et de grossier, qui doit déplaire au maître, eft rendant sa tâche ennuyeuse et méchanique. Ceux qui le recommandent, font aux princes le plus grand outrage. Ils les déclarent incapables de concilier, de persuader, de convaincre, de se servir, en un mot, des forces intellectuelles, ornemens distinctifs de l'espèce humaine. Il est flatteur pour le pouvoir d'être entouré d'hommes et non de machines. Il lui est 'doux d'avoir à exercer ses facultés sur des facultés dignes de lui. Un peuple libre, des magistrats indépendans, des représentans intègres, des ministres responsables, et par-là même reconnus pour irréprochables, puisqu'ils ne sont pas accusés, la soumission fondée sur le consentement et non sur la crainte, l'éloge reprenant son prix, parce que la censure n'est pas étouffée, sont les plus nobles des pompes royales. Les libertés des peuples sont les colonnes du trône, et quand ces libertés sont à terre, le trône aussi se trouve abaissé.












à suivre les propositions de B. Constant concernant divers points dont l'organisation de l'éxecutif.















 

(Source : Bibliothèque numérique Google) 

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